L'avion, un véhicule particulier
Avec l’avènement de l’aviation, nos relations à la vitesse, au temps et à l’espace ont changé.
Un avion a ceci de particulier qu’il évolue rapidement dans un volume à trois dimensions ; il peut voler à haute altitude dans un air à faible densité, où la vie pour un être humain n’est pas possible.
Il est animé par des forces importantes : la transition du sol (état statique) au vol (état dynamique), et vice versa, exige l’utilisation de grandes quantités d’énergie (dépenses et absorptions).
Une fois en vol, il ne peut s’arrêter simplement : plus il est gros, plus il lui faudra des infrastructures conséquentes ; contrôle aérien, piste longue, équipements d’aide à l’atterrissage, assistance au sol pour les passagers, fret, etc.
Un avion ne vole qu’en mode dynamique. Sans énergie, il ne vole pas. Impossible de le garer sur le côté de la route pour réfléchir… ou de le mettre sur « pause » pour aller boire un café, avant de reprendre la partie. Dès qu’il est en vol, un compte à rebours démarre qui s’arrêtera à destination, ou sur un autre aéroport, en fonction des difficultés rencontrées, et, au plus tard, à l’issue de l’épuisement de son carburant.
Porteur d’espoir en temps de paix, l’avion réunit les hommes, mais lourd de menaces en temps de guerre, il cristallise beaucoup de passions.
Charles Perrow rapporte : « Si les élites sont en contact avec le système (le transport aérien), il y aura un effort pour le rendre plus sûr. »
À l’origine, le transport aérien de passagers est bien une affaire d’élite voulant voyager différemment, et pas forcément de manière plus confortable ou plus rapide que le train ou le bateau, compte tenu des faibles performances et du peu de fiabilité des appareils de l’époque.
Ainsi, les créations de lignes ont été le fait de volontés politiques ; rapprochement et coopération entre États, accès à des destinations isolées, et économiques ; partage de lignes ou réseaux entre compagnies.
Le transport aérien s’est affirmé par la recomposition et le regroupement des premières compagnies chroniquement déficitaires malgré les subventions publiques. Celles-ci sont par définition économiquement vulnérables, quelle que soit leur taille ou l’époque, et subissent de plein fouet un certain nombre de menaces, à commencer par le mauvais temps, les évolutions politiques (fermeture d’espaces aériens), les crises économiques, les envolées du cours du pétrole dont elles sont fortement tributaires, les risques sanitaires (épidémies qu’elles propagent), enfin toutes les fluctuations économiques, celle du dollar ou les restrictions budgétaires d’entreprises qui annulent leurs déplacements.
Qu’est-ce qui fait courir les hommes de plus en plus vite ?
Avec l’avènement de l’aviation, nos relations à la vitesse, au temps et à l’espace ont changé.
La vitesse a progressé rapidement, passant à 330 km/h pour le Douglas DC-3 (dans les années 1930), 530 km/h pour le Lockheed Super Constellation (1950), 900 km/h pour le Boeing 707 et l’Airbus 380 (de 1960 à aujourd’hui) et enfin à Mach 2 pour le Concorde et le Tupolev 144 (entre 1970 et 2000).
Malgré sa vitesse, le Concorde s’est trouvé disqualifié par une consommation excessive de carburant : le gain de temps a un coût qui ne doit pas être dissuasif.
Ainsi l’argument du toujours-plus-vite est discutable, car si la vitesse commerciale a crû jusqu’en 1960, elle reste stable depuis l’arrivée des jets. Il est même probable que, face à l’augmentation prévisible du coût du pétrole, la prochaine génération d’avions de ligne devra réduire sa vitesse de croisière (autour de 750 km/h) avec l’arrivée de nouveaux moteurs à réaction plus économiques de type open rotor (Safran – 30 % de consommation).
Production d’avions et perspectives d’avenir du transport aérien
Le cabinet Ascend Advisory prévoyait une croissance de 180 % du marché de l’aviation civile, dans les années 2013-2032, soit 40 000 avions passagers et 3 000 avions cargos, dont 40 % du trafic en Asie-Pacifique et en Chine.
Compte tenu des coûts importants de développement et de production des avions de ligne, les chaînes d’assemblages sont inscrites pour une durée d’une cinquantaine d’années, mais elles pourraient se prolonger jusqu’à 70 ans pour le Boeing 737 dont le premier vol date de 1967 et qui n’a plus rien à voir avec le 737 MAX de 2016. Les derniers modèles de chez Boeing et Airbus (B787 et A350) pourraient donc être produits jusqu’en 2070…
L’arrivée sur le marché de plusieurs constructeurs d’avions de 100 places montre l’importance de ce créneau estimé à 5 000 appareils pour les vingt prochaines années.
L’objectif de ces nouveaux entrants est clair : empiéter sur le marché monopolisé par Airbus et Boeing, avant d’attaquer celui très juteux des avions de 150-180 places (A320 et B737) que le Chinois Comac vise déjà avec son C919 qui a fait son premier vol en 2017.
En revanche, le marché des long-courriers de 200-400 places (B777, B787, A330 et A350) est bien verrouillé par Boeing et Airbus.
Enfin les Superjumbo de plus de 500 places (B747-800 et A380-800), considérés comme trop gros et trop gourmands en carburant, occupent un petit créneau, estimé initialement à 1 500 avions pour les vingt prochaines années, mais probablement beaucoup moins du fait de la mévente du 380 et du 747 en fin de vie.
Des scientifiques et industriels travaillent, à l’horizon 2050, sur des solutions d’avions non conventionnelles (AAE, 2013), voire des taxis volants autonomes (Airbus, Vahana) et des avions sans pilote (Boeing). Les remplaçants des B737 et A320 (à partir de 2030) pourraient initier une solution d’avion sans pilote, durant leur phase de développement et de transition, avec un cockpit pouvant accueillir un ou deux pilotes. Le B737 étant de conception plus ancienne que l’A320 (sans commandes de vol électriques), Boeing devrait logiquement être le premier à se lancer dans l’aventure.
Cependant, face aux difficultés et derniers retards rencontrés par Airbus avec son programme 380 et par Boeing avec le 787, les deux géants ne se risqueront peut-être pas à franchir les premiers une marche technologique et sociale, importante et difficile.
C’est donc du côté des pays émergeants (BRICS), du Canada et du Japon, que le défi pourrait être relevé, comme Airbus l’avait fait en 1987 avec son avion révolutionnaire l’A320, le premier à commandes de vol électriques qui lui a permis de rattraper Boeing en l’espace de 16 ans.
Le Brésilien Embraer a déjà investi dans l’avion sans pilote, Phenom 100, et affiche sa volonté d’être leader dans le domaine ; la Chine quant à elle est déterminée à s’imposer grâce à ses moyens humains et financiers comme le prochain leader aéronautique.