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Automatisation globale et Intelligence Artificielle

Actuellement, l’intelligence artificielle fascine par ses possibilités infinies autant qu’elle cristallise les passions.

Notre future société sera très certainement gérée par des systèmes automatiques globaux et des robots domestiques pour nous assurer une vie sans contraintes, une vie d’hédonisme…

 

  • Cette société, robotisée et gérée par l’intelligence artificielle, est-elle une chance ou une menace pour l’humanité ?

Selon le Boston Consulting Group : « La véritable révolution robotique est sur le point de commencer. »

Ces dernières années, les robots ont bénéficié de progrès significatifs, et leurs prix ont chuté de 30 % en dix ans et devraient continuer de baisser de 20 % les dix prochaines années.

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La BBC a réalisé un test – d’après l’étude L’avenir de l’emploi : quels sont les emplois susceptibles d’être informatisés ? (Frey and Osborne) – sur un grand nombre de métiers : « Est-ce qu’un robot prendra votre boulot ? », d’après des données britanniques, mais variant peu du reste du monde.

Voici un extrait de la liste de métiers menacés de disparition dans les 20 ans, en pourcentage :

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– serveurs                                           90 %

– conducteurs de train et métro               68 %

– techniciens véhicule, mécaniciens         65 %

– chauffeurs de taxi                              57 %

– opérateurs de transport aérien              51 %

– pilotes d’avion                                   25 %

– officiers de navire                              15 %

– ingénieurs mécaniciens                       13 %

– contrôleurs aériens                               7 %

– designers & développement                  3 %

– médecins généralistes                          2 %

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Au bas de celle-ci certains métiers emblématiques, comme celui de médecin généraliste, ne sont pas menacés de remplacement à court terme. Néanmoins de nombreux sites d’aide aux diagnostics médicaux existent déjà sur internet. Une étude américaine, publiée dans la revue Artificial Intelligence in Medicine, a testé le remplacement des médecins par des machines. Selon les scientifiques Kris Hauser et Casey Bennett de l’université d’Indiana qui utilisent Watson, le robot d’IBM serait 30 % plus efficace qu’un médecin classique et deux fois plus économique. Ils ont cherché à démontrer qu’un modèle de médecine reposant sur le cas par cas et sur l’expérience n’est pas forcément le meilleur atout pour la prise en charge des traitements complexes.

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Cependant l’UNOF précise : « Même avec le développement de nouvelles techniques d’intelligence artificielle qui pourraient approcher, voire dépasser, les performances humaines en termes de (diagnostic et) prise de décision, nous pensons que la voie la plus efficace consiste à combiner l’intelligence artificielle et les hommes. Laissons les humains faire ce qu’ils savent faire et laissons les machines faire ce qu’elles savent faire. À la fin, nous pourrions maximiser le potentiel des deux. »

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D’après le test de la BBC, les pilotes (menacés à 25 %) devraient être encore présents à bord dans les 20 ans. Cela signifie toutefois que la prochaine génération d’avions pourrait se conduire sans pilote. En revanche, les contrôleurs aériens (menacés à 7 %) devraient leurs survivre.

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Depuis la fin des Trente Glorieuses en France (1975), les réductions d’effectifs dans l’industrie (automatisation, délocalisation) et l’agriculture (productivité) ont engendré un chômage de masse que la création de nouveaux besoins (par le secteur tertiaire) n’a jamais compensé. Cette évolution a commencé par la mécanisation de tâches simples, puis, avec l’arrivée des premières formes d’intelligence artificielle faible, par des tâches plus complexes reposant sur l’expertise et le savoir-faire – et les mécanismes cognitifs qu’ils requièrent – de l’ouvrier, du technicien et de l’ingénieur.

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Ensuite l’automatisation s’est étendue aux processus décisionnels, c’est-à-dire à la recherche exhaustive de solutions pertinentes inférées et avérées par des faits et par l’environnement coopératif, qui sont parfois nouvelles, surprenantes et innovantes, mais actualisées en permanence. Cette évolution nécessite de nouvelles compétences dans le domaine de l’expertise et représente un gisement d’emplois incontestable. C’est la raison pour laquelle, les « licenciements robotiques » seront en partie compensés par de nouveaux emplois d’informaticiens.

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Pourtant, deux chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (MIT) et de la Boston University, ayant publié une étude en début 2017 sur les effets de la robotisation sur l’emploi, constatent « un effet négatif sérieux et marqué des robots sur l’emploi et les salaires ».

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Le processus se généralisant, les automates risquent néanmoins de supprimer beaucoup d’emplois et donc dégager du temps libre, à l’image de ce qui s’est passé en Angleterre au 19ème siècle avec la révolution industrielle, lorsque les ouvriers ont gagné leur dimanche de repos.

Les futurs robots deviendront indispensables à la vie courante, connaîtront tout de chacun d’entre nous, nos besoins et nos attentes, et percevront nos humeurs. Les publicités promettront une vie sans contrainte, une vie d’hédonisme…

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Sera-t-il encore nécessaire d’envoyer les enfants à l’école, s’il n’y a plus d’objectif d’emploi à satisfaire, voire d’intégration sociale ?

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Ce temps vacant nous permettra au contraire d’être enfin libres pour pouvoir voyager, s’instruire, pour soi et non pour le travail, profiter de nos enfants que nous ne voyons pas grandir, tout simplement être nous-mêmes et non pas formatés par les normes sociales.

Mais ce monde sans contrainte, voire sans douleur, sera-t-il pour autant un monde sans souffrance ? Je ne le pense pas : une destinée totalement sous contrôle des robots risque de générer de profondes frustrations. Comme dans la fiction de Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, où le commandant, Dave, est en prise avec l’ordinateur de bord, Carl, qui cherche à le tuer, considérant que la mission scientifique pour laquelle ils sont partis est trop importante pour être confiée à des humains.

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Qu’en sera-t-il des pays n’ayant pas atteint ce niveau technologique ? Leur population devra-t-elle continuer à travailler ? Les plus pauvres devront certainement vendre leur travail moins cher que celui d’un robot et la middle class risque donc de se retrouver sans emploi et démunie. Le travail pourrait ainsi se trouver dégradé et n’avoir plus aucune valeur, voire même conférer un statut d’esclave comme ce fut le cas dans l’Antiquité.

Pour faire face à la pénurie de travail qui s’annonce, les lois devront nous permettre d’être pensionnés à vie, avec un mode compensatoire d’acquisition d’actions et de participations dans les entreprises et les services publics, où les automates nous auront remplacés. L’actionnariat pourrait être généralisé et obligatoire, contrôlé et surveillé par eux, of course ! En supprimant le travail, on supprime aussi les maladies et accidents professionnels, les salaires, les congés payés, l’assurance chômage, la retraite, etc., mais aussi le lien social (Rifkin) si nécessaire à l’harmonisation d’une collectivité.

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Nos sociétés (capitalistes) reposant sur l’échange du travail contre rémunération vont-elles évoluer vers ce modèle égalitaire (socialiste), centré sur les besoins de chacun, assisté par des robots, que le Japon semble poursuivre ? Quel sera le statut des robots assistants ? Alain Bensoussan, avocat des robots à la Cour d’appel de Paris, rappelle : « À travers le droit, la machine est humaine… »

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La vie sous assistance généralisée pourrait se révéler merveilleuse ou cauchemardesque. Tout dépend de l’anticipation et de la préparation que nous voudrons bien accorder à ce changement radical, peut-être le plus important de l’histoire de l’humanité.

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La voiture autonome

 

Selon une étude du cabinet de consultants AT Kearney, ce marché pourrait représenter plus de 500 milliards d’euros à l’horizon 2035, et Egil Juliussen, analyste au sein du cabinet IHS Automotive, ajoute : « En 2050, les voitures sans conducteur représenteront presque 100 % de la flotte mondiale. »

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Les constructeurs automobiles n’en capteront qu’une partie et devront composer avec les nouveaux entrants, venus du monde de la haute technologie, qui envisagent de commercialiser leurs voitures sans conducteur pour la décennie 2020. Google a déjà fait rouler une Toyota Prius sans chauffeur en 2012, puis sa propre voiture, la Google car, sans volant ni pédale, en 2014.

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De nombreuses difficultés sont à anticiper ; le professeur de philosophie, Guillaume von der Weid, propose le dilemme suivant : « Imaginez qu’à quelques mètres d’une voiture autonome lancée à pleine vitesse surgisse un groupe de cinq personnes. Que doit décider la voiture : foncer dans le mur, au risque de tuer son passager, ou faucher les cinq piétons sur la voie ? » Le philosophe rappelle que la morale utilitaire nous enseigne qu’entre deux maux il convient de choisir le moindre, en l’occurrence tuer une personne au lieu de cinq. Mais il remarque que personne n’achèterait une voiture qui, dans certains cas, « suiciderait » son passager, même pour le plus grand bien de tous. Et de souhaiter bien du plaisir aux programmeurs des futures voitures autonomes. 

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Au Nevada, le législateur travaille déjà sur ces nouveaux concepts. « Lorsqu’un véhicule conçu pour que personne ne tienne le volant sort de la route, vers qui se tourner pour indemniser la victime ? Le constructeur, le sous-traitant qui a conçu les algorithmes, le gestionnaire des données, la société qui a fabriqué les capteurs, les pouvoirs publics qui entretiennent l’infrastructure routière ? », résume Pascal Demurger.

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Beaucoup d’assureurs plaideront pour l’instauration d’un système dit de « responsabilité sans faute », ce qui sous-entend un monde déresponsabilisé. La victime sera indemnisée, et les assureurs des diverses parties s’accorderont ensuite pour déterminer les responsabilités, limitant ainsi le montant des dédommagements. À partir du moment où ils seront tenus d’indemniser les dommages, les assureurs demanderont sans doute à valider les algorithmes des logiciels installés par les constructeurs. Dans ce contexte se prépare une vaste redistribution des cartes : « La relation client pourrait être bouleversée, car ce n’est plus avec le propriétaire de la voiture mais avec le constructeur automobile que l’assureur dialoguera » (Allianz). Autre possibilité, les constructeurs automobiles deviendront eux-mêmes les assureurs de leurs véhicules. Selon le cabinet KPMG, la voiture autonome laisse entrevoir la promesse de routes beaucoup plus sûres : la fréquence des accidents devrait chuter de 80 % d’ici à 2040. Ce sera aussi la fin des contraventions avec des voitures qui respecteront à la lettre le code de la route.

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En attendant, les essais sur route se poursuivent, non sans incident ni accident : en 2016, non-respect de feux rouges de taxis autonomes Uber à San Francisco, accrochage entre une Google car (Lexus convertie sans chauffeur) et un autocar sur une route Californienne, mort du conducteur d’une Tesla Model S avec le pilotage automatique activé en Floride…

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Avec les voitures connectées, les constructeurs vont devoir travailler sur la protection de leurs systèmes embarqués. Le risque de piratage ou de brouillage des ondes est bien réel, comme celui d’une panne causée par un hacker, qui se terminerait en accident, filmé et diffusé via les multiples caméras embarquées, ou d’une prise de contrôle du véhicule par une tierce personne (kidnapping, maître-chanteur). En 2015, Andy Greenberg de la revue Wired a testé le piratage de sa Jeep Cherokee par un hacker (journaliste), depuis un autre véhicule ; celui-ci a réussi à perturber les équipements (ventilateurs, radio, lave-vitres et essuie-glaces) et le moteur a été coupé sans que Greenberg ne puisse rien faire.

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Autant j’apprécie les robots domestiques qui font le ménage, nettoient la piscine, tondent le gazon, autant je reste dubitatif lorsqu’il s’agit de les utiliser dans des métiers aux savoir-faire relevant d’un long processus d’apprentissage et basés sur l’expérience. Telle une opération chirurgicale de précision réalisée par un robot Da Vinci piloté, à proximité ou à distance, par un chirurgien prêt à reprendre la main (stopper l’action) à tout moment si l’automate ne remplit pas correctement sa tâche. Il en est de même avec un avion de ligne assisté d’un pilote automatique capable de poser l’avion mieux que le pilote lui-même (voir Le manuscrit).

Lorsque les problèmes techniques et juridiques de la voiture autonome auront été résolus, la voie sera alors ouverte à l’avion sans pilote.

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L’intelligence artificielle (IA)

 

Elle est la résultante de la croissance exponentielle de la puissance de l’ordinateur (loi de Moore) et de sa miniaturisation.

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Cette dynamique a été initialisée par la mise au point du transistor (1947), de la puce électronique (1958) et du microprocesseur (1971). Le stockage, nécessaire au fonctionnement des machines, a été successivement amélioré par la mémoire sur bande magnétique (1940), sur disque dur (1956) et mémoire flash (1988), et la puissance augmentée par des connexions à haut débit (fibre optique, 1977) et par les réseaux intranet et internet (1993). Enfin, le mode de calcul de l’informatique a évolué du système binaire (1876) vers le quantique (1988). L’objectif de l’IA est de dépasser la puissance du cerveau humain en 2045 (Kurzweil), cent ans après l’arrivée du transistor…

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En 1997, l’ordinateur IBM, Deep Blue, a battu le champion du monde d’échecs Gary Kasparov. Il avait enregistré pratiquement toutes les parties d’échecs jouées par l’homme et calculait entre 100 et 300 millions de coups par seconde pour s’adapter à la partie ; il pesait 1,4 tonne et nécessitait 20 personnes pour le faire fonctionner. En 2015, nouveau coup de semonce de l’ordinateur qui bat Fan Hui, puis Lee Sedol, en 2016, les meilleurs joueurs du moment au jeu chinois, le jeu de go, grâce au logiciel AlphaGo de Google DeepMind, dont la puissance de calcul permet de maîtriser les combinaisons jusqu’à 50 fois plus nombreuses que le jeu d’échecs. AlphaGo a initialement été conçu pour « imiter » les joueurs humains, puis il s’est entraîné à jouer des millions de parties contre d’autres instances de lui-même, par auto-apprentissage (machine learning).

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Alan Turing jugeait intelligente « une machine qui fait illusion et passe pour intelligente aux yeux des hommes. » Mais pour l’informaticien Rocco Servedio, de l’université de Columbia à New York, les ordinateurs de demain surpasseront les meilleurs mathématiciens et seront en mesure de résoudre des problèmes que l’homme ne peut pas conceptualiser.

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Si nous sommes à un point d’inflexion, estime Kevin Kell, c’est parce que les machines ont acquis de l’intelligence : « Nous avons des idées préconçues sur la façon dont un robot intelligent devrait regarder et agir, et celles-ci peuvent nous faire oublier ce qui se passe déjà autour de nous. Nous pensons que l’intelligence artificielle doit être proche de celle de l’homme. Mais c’est là faire la même erreur que de croire que le vol artificiel devrait ressembler au vol des oiseaux et battre des ailes. Les robots vont penser différemment. Pour comprendre à quel point l’intelligence artificielle a déjà pénétré nos existences, nous devons nous débarrasser de l’idée que celle-ci sera la même que celle des hommes. »

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« L’avènement de l’intelligence artificielle est le plus grand défi de toute l’histoire humaine, on ne peut la comparer à rien » (Anthony Aguirre). En effet, on se heurte à un paradoxe inédit : celui du cerveau humain incapable d’imaginer ce que pourrait penser et créer une machine plus intelligente que lui. Jusqu’à présent, les implications de l’IA ont été peu étudiées par les universitaires. Pour Aguirre, la raison est simple : « Beaucoup pensaient que l’IA était une blague, car pendant des décennies il y a eu beaucoup de fausses annonces et de déceptions. Mais, récemment, tout a changé : les progrès dépassent les prévisions les plus optimistes de ses partisans les plus zélés. »

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Il est difficile de prévoir de quelle manière l’IA va se développer. Pour Yves Demazeau, directeur de recherche au Laboratoire d’informatique de Grenoble et président de l’Association française pour l’intelligence artificielle (Afia), la question est de savoir quelle sera sa place dans les sociétés humaines : « Serons-nous un jour prêts à déléguer toutes les prises de décisions aux machines ? »

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Toutefois on ne cherche pas à supprimer l’homme de l’équation, car il a une capacité de décision et d’attention difficilement reproductible. En plus, il reste indispensable pour valider les trajets proposés par des outils informatiques qui, de par leur nature, ne sont pas à l’abri de bugs potentiels.

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Prise de décisions complexes, IA forte

 

Le libre arbitre nécessaire aux prises de décisions dépend de l’expérience et du vécu de chacun. C’est un processus long et exigeant, et les machines qui seront jugées aptes à prendre des décisions devront subir une éducation stricte, sanctionnée par des contrôles. Les décisions pourront être mauvaises pour de multiples raisons : une conscience qui ne dépasse pas son soi et qui n’est pas collective, un niveau de ressenti des émotions sensiblement différent de celui de l’être humain éduqué, un mauvais apprentissage, etc. « Le robot doté d’une intelligence artificielle peut prendre une mauvaise décision, ce n’est pas un vice de forme » (Hasselvander).

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Finalement chaque robot – suivant son éducation et son histoire – aura forgé sa propre personnalité. Cette absence de normalité, si propre à la machine, ne garantira pas un résultat similaire à celui d’une autre machine construite à l’identique. Ainsi la plus-value obtenue par la machine intelligente pourrait être remise en cause par de mauvaises décisions. Les ingénieurs seront à la recherche d’une intelligence capable de conceptualisation et d’imagination pour faire face à des situations complexes et inédites dans un environnement dynamique où le temps (le manque de temps) peut s’avérer être la première menace, en aviation notamment.

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Deux entités s’opposent face aux possibilités infinies de l’IA avec parfois les mêmes arguments. Pour les pro-techniques, comme les pilotes, la seule limite est celle de l’imagination humaine. Alors que les techno-sceptiques s’inquiètent de la menace que la technique fait peser sur leurs emplois, et de la perspective d’un monde totalement sous contrôle des machines.

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Les arguments en faveur de l’IA

 

Les robots intelligents n’auront pas besoin de salaire et ne seront pas assujettis aux charges sociales : ils peuvent déjà travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans être fatigués, ni prendre de congés ou se mettre en grève. Ils ne sont pas sujets à l’émotion, et s’ils tombent en panne, les délais de réparation sont en général inférieurs aux arrêts maladie. « L’avantage est de se débarrasser de biais humains, comme notre tendance à l’irrationnel ou nos défauts de vigilance » (Carl Frey et Michael Osborne).

 

Grâce aux robots et à l’intelligence informatique, Kelly affirme : « Nous pouvons faire des choses que nous n’aurions jamais imaginé faire. […] Les robots vont créer des emplois que nous ne savions même pas que nous voudrions faire. […] Ce n’est pas une course contre les machines. Si nous luttons contre elles, nous perdrons. Il s’agit d’une course avec les machines. Vous serez payé à l’avenir en fonction de la façon dont vous travaillez avec les robots. Quatre-vingt-dix pour cent de vos collègues de travail seront des machines invisibles. Et la plupart des choses que vous ferez ne seront pas possibles sans elles. Il y aura une ligne floue entre ce que vous faites et ce qu’elles font. Vous pourriez ne plus le considérer comme un emploi, du moins au début, car tout ce qui semble être une corvée sera fait par des robots.»

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Déjà, l’agence Associated Press confie la rédaction des résultats financiers de certains de ses clients à des robots. Les algorithmes recherchent des informations dans la banque de données (Zacks Investment Research) pour fournir les chiffres-clés. À Hong-Kong, Deep Knowledge Venture, une société spécialisée dans la gestion de dons à haut risque, a décidé de nommer à son conseil d’administration un robot dénommé Vital. C’est la première entreprise donnant une voix à un robot, au même titre qu’un homme lors de votes. Dimitry Daminski, administrateur de la société et responsable du projet, a confié : « Si les gens peuvent être subjectifs ou influencés par leurs émotions, les ordinateurs, eux, peuvent avoir des intuitions géniales. »

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En effet, certains aspects du fonctionnement de l’esprit humain ne sont pas (encore) reproductibles sous forme d’intelligence artificielle. Mark Bishop, lors d’une conférence sur La singularité, ou comment j’ai appris à cesser de m’inquiéter et à aimer l’intelligence artificielle, appelle cela « le fossé avec l’humanité. » L’homme, avec l’intelligence artificielle, sera toujours plus intelligent que l’intelligence artificielle seule. Ivan Illich proposait, dans La convivialité (1973), une réflexion sur ce que pourrait être une technique qui ne se transforme pas en un système technicien autonome mais qui favoriserait au contraire l’autonomie de ceux qui l’utilisent.

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Les arguments contre l’IA

 

La généralisation de systèmes intelligents en charge de la gestion de notre société pourrait à termes signer la fin de notre indépendance.

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Kelly affirme, dans l’article « Meilleurs que les humains : pourquoi les robots vont (et doivent) prendre votre job » de la revue Wired : « Avant la fin de ce siècle, 70 % des emplois d’aujourd’hui sera remplacé par l’automatisation. […] En d’autres termes, votre remplacement par un robot n’est qu’une question de temps. »

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Paul Jorion estime que « les métiers concernés par cette mutation ne sont pas uniquement les métiers manuels, mais aussi les métiers dits « intelligents ». En effet, l’homme a naturellement tendance à mettre son intelligence au-dessus de tout et aime à penser qu’il est irremplaçable. L’ordinatisation des métiers va à la fois toucher les métiers « simples » et « complexes », ce sont les métiers qui allient travail manuel et réflexion (pilote ?) qui seront plus difficilement remplaçables. Et plus notre métier est prestigieux, plus l’on gagne de l’argent, et plus l’on a l’impression d’être irremplaçable ! »

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Cependant, le système « tout automatique » d’où l’homme serait exclu devra reposer sur la confiance d’un système « sans âme » (Bernanos), qui pourrait être lourd de conséquences. Le scientifique britannique Stephen Hawking, cosignataire d’une tribune dans laquelle il avertit que l’invention de l’intelligence artificielle serait la plus grave erreur de notre histoire, a enfoncé le clou quelques mois plus tard en affirmant que le développement de l’IA signerait la fin de l’espèce humaine. Plus de 5 000 signatures se sont jointes à la sienne dans une lettre ouverte publiée en 2015, par le Future of Life Institute, un organisme américain créé pour limiter les risques liés à l’IA.

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Bishop considère que « certains informaticiens attendent de la science qu’elle résolve des questions métaphysiques auxquelles répondait autrefois la religion. En croyant que l’on peut répliquer les processus cognitifs, les mettre dans un ordinateur, donc en dehors d’un corps humain, on s’accroche à l’idée qu’on est éternel. Si on considère qu’un robot peut avoir une conscience, alors dans ce cas il faut aussi considérer que la conscience existe dans n’importe quelle matière inanimée. » Cette idée est plus en vogue chez les Asiatiques qui sont moins effrayés par les robots humanoïdes que les Occidentaux.

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Pour l’instant les robots sont absents des circuits de consommation (sauf pour l’électricité) et ne participent pas encore à la vie de la société. Fixer des limites à une automatisation omnipotente qui pourrait vite s’avérer incontrôlable est un impératif universel à définir rapidement.

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Google, Facebook, IBM, Microsoft et Amazon ont créé, en 2016, un partenariat pour l’éthique de l’intelligence artificielle au bénéfice des citoyens et de la société, afin d’instaurer de bonnes pratiques, d’éviter certaines dérives et de mieux informer le public.

 

Les perspectives d’avenir

 

Actuellement, l’intelligence artificielle est au centre des discussions. Elle fascine par ses possibilités infinies et cristallise toutes les passions. Il semble impossible d’y échapper, comme cela avait été le cas au 20ème siècle avec l’électricité dont nous sommes aujourd’hui totalement dépendants.

 

Avec l’avion autonome qui se profile, le pilote devra malgré ses faiblesses valoriser ses compétences pour faire face efficacement aux situations complexes et imprévues, car ses réflexes, son instinct de survie, mais aussi le sens des responsabilités et son imagination, continueront à faire la différence avec la machine sans âme.

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