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La légende du métier de pilote de ligne

Aujourd’hui, l’esprit chevaleresque, animé par le sens du sacrifice, a disparu. Pour l’aviation commerciale, il a été remplacé par l’esprit seigneurial, héritage de la marine.  

Ces héros qui ont bâti la légende

 

L’aviation militaire a pris son essor pendant la Première Guerre mondiale, et le transport aérien après la seconde.

 

L’entre-deux guerres a été, pour l’aviation civile, une phase expérimentale, notamment au cours de grands raids qui ont attiré l’attention. Durant l’épopée de l’Aéropostale, les pilotes devaient forcer le destin pour que le courrier passe sans que l’avion casse. Il était essentiel que ce nouveau moyen de transport devienne un acteur majeur, sans qu’il soit condamné prématurément par un trop grand nombre d’accidents.

 

Cette aventure technique et humaine, l’une des plus dangereuses à l’époque, a fabriqué des héros de légende, comme les As de la Première Guerre mondiale qui ont façonné l’imaginaire collectif : von Richthofen, Mannock et Guynemer. Ces chevaliers du ciel incarnaient chacun pour leur pays l’image du héros des temps modernes, chevauchant une monture volante.

 

Ainsi, von Richthofen, le Baron Rouge, abattu en France, a eu droit à des funérailles en grandes pompes par les armées alliées.

 

De même, pendant la Seconde Guerre mondiale, le sacrifice de jeunes pilotes de chasse de la Royal Air Force – il a eu 80 % de perte – a interdit que les Allemands ne débarquent en Angleterre. Une chapelle dans la cathédrale de Westminster leur est dédiée, et ils ont été encensés lors de la bataille d’Angleterre par l’envolée lyrique de Churchill : « Jamais dans l’histoire des conflits, tant de gens n’ont dû autant à si peu. »

 

Aujourd’hui, l’esprit chevaleresque, animé par le sens du sacrifice, a disparu. Pour l’aviation commerciale, il a été remplacé par l’esprit seigneurial, héritage de la marine. En effet les commandants de navires ont longtemps eu un statut extrêmement privilégié, celui de « pachas » chez les militaires qui, dans certaines circonstances, avaient le droit de vie et de mort à bord. Cela s’expliquait à l’époque par l’importante délégation de pouvoir consécutive à l’éloignement et l’isolement.

 

Adulés tout autant que critiqués, les pilotes de ligne bénéficient encore d’un statut privilégié et d’une rémunération en conséquence. Pour la plupart d’entre eux, poussés par une passion indéfectible, ce métier est une finalité, l’aboutissement d’un rêve. Le chemin pour y arriver est semé d’embûches, et l’admission dans une grande compagnie une consécration.

 

En dehors des problèmes de santé, il y a très peu de pilotes de ligne qui abandonnent leur carrière pour une autre activité. En revanche converge vers lui une grande variété de cursus et de métiers : du polytechnicien au chirurgien, en passant par le responsable technique d’un chai d’embouteillage de vin (que j’ai été) ; cette profession peut s’enorgueillir de sa diversité et de la richesse de ses origines. Certes, le gros du bataillon est constitué de pilotes qui sont passés par la filière d’écoles spécialisées, comme l’École nationale de l’aviation civile (ENAC) en France, ou la formation de cadets, payée et contrôlée par les grandes compagnies. Le reste provient de l’armée de l’air, de l’aéronavale, de l’aviation d’affaires (dont je suis issu), du troisième niveau et des aéro-clubs.

 

La fin du métier de pilote d’avion, c’est aussi la fin d’un rêve : celui de voler de « ses propres ailes », de maîtriser des machines complexes, d’être responsable d’un grand nombre de personnes, d’avoir un statut privilégié et enviable… Ce qu’un technicien au sol en charge de veiller au suivi d’un vol n’aura jamais.

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